L’extrême droite et le piège de l’oubli

Après la deuxième guerre mondiale et les horreurs du Nazisme, personne ne pouvait imaginer qu’une nouvelle idéologie national-socialiste ressusciterait à peine quelques années plus tard. De nombreux mouvements néo-nazis commencent en effet à être créés à partir des années 60-70 en Europe, en France déjà à partir de 1949 avec le mouvement Jeune Nation. Néanmoins, ce ne sont pas ces mouvements (pour la plupart invisibles et cachés, dans leur radicalité) qui menacent d’établir des systèmes politiques totalitaires et fascistes. Ce grand danger découle bien plus des partis politiques d’extrême droite qui se disent démocratiques.

L’occupation Française –  Humiliation pour la race blanche, mais ça se passe en Allemagne.
Simplissimus, Olaf Gulbrasson, 9 juin, 1920, NS-Dokumentationszentrum München.

Actuellement, le monde semble avoir oublié qui était Adolf Hitler, ce que fut l’Holocauste, et quelles étaient les politiques d’extrême droite qui ont tué des millions de personnes en Europe. Le monde politique actuel semble avoir oublié qui étaient Mussolini, Franco ou Salazar. L’antisémitisme “historique” est peut-être encore répandu chez les néo-nazis, mais c’est dans les partis politiques d’extrême droite, plus hypocrites et modernisés que jamais, que des tendances islamophobe, homophobe, raciste, etc, vont toujours plus se matérialiser.

Le fantasme hitlérien continue de vivre dans tous ces partis politiques d’extrême droite européens.


Aujourd’hui, c’est au sein des partis politiques « apparemment démocratiques » et « populistes » que l’apologie du racisme, de l’islamophobie, de l’homophobie, se propagent sans que nous ne puissions rien y faire, car nous vivons dans une démocratie partite, où la masse fait loi. Même si un comparatif abrupt peut paraître de l’ordre de l’exagération, les méthodes de propagande utilisées par Hitler ou Mussolini pour conduire les populations dans l’abîme du racisme, de l’antisémitisme et des “phobies”, sont réapparues à une vitesse spectaculaire à partir des années 2000, dans les partis politiques d’extrême droite européens.

Propagande Islamophobe et anti-migrations.
Parti Italien – Lega Nord, 2018.

Aujourd’hui, nous n’attaquons pas les juifs, mais les musulmans, les arabes, les réfugiés.

Afin de comprendre mieux le national-socialisme et comment il a réussi à entraîner l’Allemagne dans une spirale morbide de terreur, nous avons visité la Ville de Munich qui abrite le Centre de documentation sur l’histoire du national-socialisme (NS-Dokumentationszentrum München Lern- und Erinnerungsort zur Geschichte des Nationalsozialismus). Le centre NS-DM, explique que Munich est consciente de son « obligation particulière de préserver le souvenir de l’époque nazie et de ses crimes », car c’est à Munich que « la montée du mouvement national-socialiste a commencé après la Première Guerre mondiale ». Le centre NS-DM, dans une exposition permanente, spécialement conçue pour déchiffrer le mouvement Nazi depuis ses racines, révèle comment Munich « a été le théâtre de la tentative de putsch de 1923 de Hitler. »

C’est dans cette ville que Hitler trouvera « des figures influentes qui lui firent entrer dans les milieux bourgeois. Et c’est à Munich aussi qu’en 1938, Goebbels a appelé à un “pogrom national” contre la population juive. Après la prise du pouvoir par les nazis en 1933, Munich est choisie par Hitler comme lieu de célébration du culte nazi et reçut le titre de “Capitale de l’art allemand” et “Capitale du mouvement”. »

 

Bavière, les Bolchéviques arrivent! ils sont en train de nous entourer! Excluons-les le jour du vote.
Bayern, Parti du peuple, 1920, NS-Dokumentationszentrum München.

Le centre NS-DM dissèque la nature des idées hitlériennes et apprend « quand et comment » le mouvement nazi a su exploiter « l’antisémitisme » déjà propagé par l’Église, les problèmes économiques, le racisme et l’identité allemande en crise d’infériorité, pour en quelques années pervertir d’abord la région bavaroise, puis toute l’Allemagne.

Dans cet article, inspiré par l’exposition “The City Without. Jews Foreigners Muslims Refugees”, nous mettrons en perspective les techniques de propagande utilisées par le parti NSDAP (Parti national des travailleurs socialistes, Deutsche Nationaliste allemande, Deutsche Arbeiterpartei) et les techniques de propagande actuelles, utilisées par les partis politiques européens d’extrême droite en Europe. Afin d’éviter toute interprétation erronée de la part de nos lecteurs, nous tenons à préciser que les partis politiques d’extrême droite européens (d’actualité) ne sont pas proprement néo-nazis, bien qu’ils privilégient dans leur programme politique et leur propagande : l’apologie du racisme, de l’exclusion, le nettoyage culturel et ethnique, la xénophobie, autant de tendances qui ont caractérisé le national-socialisme en Allemagne entre 1920 et 1945.

 

Les méthodes d’hier sont les méthodes d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, les partis politiques ne peuvent pas se jeter sur les Juifs publiquement, alors ils jettent leur dévolu sur les migrants et les musulmans, qui représentent le bouc émissaire actuel dans les pays occidentaux. Les partis politiques d’extrême droite européens instrumentalisent l’immigration, la crise économique, le travail, la religion et le nationalisme identitaire pour conduire les pays dans une sphère obscurantiste et se replier sur eux-mêmes. La rhétorique, c’est la même, comme les ambitions politiques : développer des puissances étatiques capables d’établir un impérialisme moderne (à travers l’accaparement des ressources naturelles) à coup de guerres directes ou indirectes n’importe où dans le monde. Pour cela, il faut créer une nation unie, chrétienne, blanche, avec un pouvoir belliqueux inébranlable.

 

Le juif éternel (ou commun).
1937, NS-Dokumentationszentrum München.

Cachés derrière la crise de la “démocratie représentative” qui sévit en Europe, les partis d’extrême droite en profitent pour dissiper leurs idéologies et hypnotiser les populations (qui sont les premières victimes de la crise économique et financière) avec leurs “remèdes fait maison”. En désespoir de cause, les électeurs croient davantage aux menteurs qu’aux politiciens qui tentent de faire comprendre la venue d’une crise économique et climatique sans précédent.

Allemagne: AfD, de Alexander Gauland et Alice Weide, Espagne: Vox, de Santiago Abascal, Italie: Ligue du Nord, de Matteo Salvini, Hongrie: Fidesz, de Viktor Orbán,  France: RN, de Marine Le Pen, Suisse, Autriche… Et récemment avec au Portugal, l’élection d’André Ventura du parti Chega, il n’y a que 3 pays européens sans membres de l’extrême droite au parlement: l‘Irlande, le Luxembourg et Malte, qui auront des élections en 2020, 2021 et 2022.

 

Nous prenons le destin de la nation entre nos mains.
1932, NS-Dokumentationszentrum München.

Contrairement au patriotisme, le nationalisme découle d’une volonté politique d’isoler une population dans l’idée d’appartenance et d’une sorte de supériorité identitaire. Les partis comme le Rassemblement National, l’AFD, l’USVIT, le Cinque Stelle, le LN, etc, réclament une sortie de l’Europe, afin de recréer une économie purement nationale. Ils se plaignent du système de quotas européens, des lois européennes, du manque d’indépendance, de frontières perméables, etc. Cependant, c’est à travers des échanges entre ces mêmes pays européens que les “plus forts comme l’Allemagne ou la France” tirent une partie de la richesse créée.

Un vrai paradoxe, car en premier lieu, ces partis d’extrême droit “dits souverainistes” et “au nom du peuple“, défendent aussi une logique de militarisation de la police qui opprime tant “le Français que l’Espagnol de souche“. Et en deuxième lieu, malgré leur “nationalisme et leur repli identitaire“, ces partis soutiennent bien souvent la vente d’armes aux pays tiers-mondistes, ou l’accaparement de terres et de ressources dans le monde. Ces partis politiques “qui défendent leur maison” proposent-ils le retour des entreprises qui exploitent encore la terre des autres, les ressources des Africains, des Indiens d’Amérique, du monde arabe ? Assurément, non.

 

Un bon exemple de ce discours contradictoire est la Suisse, extrêmement pauvre en ressources et pourtant l’un des pays les plus riches au monde. Comment ? À travers des méga-multinationales comme Syngenta, Novartis, Nestlé, mais aussi la vente d’armes, le blanchiment d’argent à travers les banques, etc. Autant de monopoles qui mettent à genoux nombreux pays du monde. Mais l’étroite et unilatérale réponse des partis d’extrême droite pour dévier l’attention sur ces vérités qui dérangent, est de lutter contre les immigrés, de laisser libre au cours au développement du néolibéralisme, d’attaquer les arabes, les musulmans.

 

 

 

 

 

Une instrumentalisation des réalités palpables qui saisit facilement le “peuple”, absorbé et fatigué, à tenter de combler ses besoins quotidiens basiques. A qui il manque de temps utile pour en apprendre davantage sur le monde et la politique capitaliste et libérale, protégée et propagée par ces mêmes partis d’extrême droite.

Sa devise: J’ai des millions derrière moi – Un petit homme demande des grands dons.
Jonh Heartfield, 1932, NS-Dokumentationszentrum München.

Le NSDAP, parti d’extrême droite instrument du nazisme, est né à Munich en 1920, à un moment où l’Allemagne était dévastée et humiliée après la Première Guerre mondiale. La crise économique et les sévères impositions du Traité de Versailles ont renforcé le discours nationaliste et extrémiste répandu par certaines couches de la société allemande. L’image ci-dessus illustre le soutien économique que le parti Nazi a eu de la bourgeoisie à Munich. Dans l’obsession du pouvoir et la guerre des idées, quelqu’un doit être accusé de la misère du pays, du chômage, de la corruption. Autrefois, les Juifs et les bolcheviks, aujourd’hui les réfugiés, les musulmans, les gitans, les étrangers

Créer un ennemi universel pour construire une cohésion sociale.
Lorsque nous avons l’occasion de parler avec des membres de la famille des personnes qui vivaient pendant la période Nazie, nous nous sommes rendus compte que la plupart des allemands étaient remplis de peur.
Migration de masse – 10 millards de suisses? Qui ne veux pas de cela vote SVP, 2019.

Gauche: Dessin Nazi, 1938 – Centre: Autrich, 1949 – Droite: Periode Nazi, date inconnue.

Un autre cas animalier faisant appel au racisme et au sentiment d’anti-migration, a été utilisé dans plusieurs pays européens (Suisse, Allemagne, Espagne et République Tchèque) : le mouton noir. Sur l’affiche suisse ci-dessous, nous pouvons lire: Créer la sécurité. Et sur l’affiche d’Úsvit, parti tchèque, il y a deux slogans qui font partie de leur campagne: “Soutenez les familles PAS inadaptables” et “Des emplois pour nous PAS pour des immigrants“.

 

L’autre bataille idéologique, c’est l’ostracisme politique, fondamental sous les régimes totalitaires d’Hitler, Mussolini, Franco et Salazar. Elle fut surtout menée contre les bolcheviques dans la propagande Nazie, mais aussi contre toute la gauche et les anarchistes. Pour les partis politiques extrémistes d’aujourd’hui, la provocation n’a pas de limites. Ceux-ci n’hésitent pas à présenter leurs opposants politiques comme de la vermine ou des criminels. Les images suivante ont aussi tourné sur Internet.

 

 

 

 

 

Gauche: Devons-nous laisser la gauche et les gentils détruire la Suisse? –
Droite: Quand il y a quelque chose pourri, la cause est aux juifs.


“Ils aboliraient ensemble la frontière”, affiches de propagande de Viktor Orbán contre des dirigeants de l’opposition hongroise.
2018, Hungrie.

Le journal Intercept, en 2018, avant les élections, a publié un article dénonçant le faux et injuste papier de Viktor Orbán, accusant l’opposition de favoriser l’entrée de réfugiés dans le pays. Orbán avait principalement attaqué George Soros,Juif américano-hongrois de 87 ans décrit par le gouvernement d’Orbán comme un fantoche, qui se prépare secrètement à prendre le contrôle du pays”.

Viktor Orbán, va plus loin et publie sur son site, une vidéo ou deux jeunes hommes dans une église catholique attaquent une femme âgée et crient “Allahou Akbar”. La vidéo visionnée plus de 300.000 fois, est en fait, “comme l’ont découvert des journalistes du site d’information hongrois hvg.hu, un hoax. Les images ont été enregistrées non pas en Europe, l’année dernière mais à Omaha (Nebraska) en 2015; les assaillants n’étaient pas des immigrés musulmans, mais des membres de gangs locaux, et la bande-son est entièrement fausse”.

Voilà comment l’extrême droite gagne des bulletins de vote, à coups de “Fake News” qui dénigrent les opposants, stigmatisent les réfugiés, les musulmans, les arabes, etc. En fait, ce sont des stratagèmes et des astuces politiques que nous pouvons aussi identifier dans les soi-disant “partis modérés“, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne ou en France avec LREM de Macron. Le revirement de discours droitiste, qui a permis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 et que l’on retrouve chez Macron à cette mi-mandat, tend à revenir à chaque échéance électorale importante et permet au RN de légitimer ses idées extrêmes dans le paysage politique.

Ce sont des “stratégies politiques” qui se multiplient, car, les dirigeants dans leur ensemble ne cherchent pas à apporter une “réponse politique efficace” aux problèmes du monde. Ils gèrent les conflits d’intérêts économiques, la continuité du profit, l’angoisse des populations. Mais ne soyons ni innocents, ni naïfs… Entre les mains de l’extrême droite, nous visons une catastrophe sociale et morale. Un monde sans solidarité internationale, un monde où le fort écrase le faible, un 1984 de Wells, fiction qui tend à devenir une réalité aujourd’hui.

Il est extrêmement nécessaire de savoir que vivre dans un système politique autoritaire ou fasciste ne signifie pas vivre en démocratie.

Il est important de savoir que vivre dans une démocratie ne signifie pas que nous avons le droit d’être racistes ou islamophobes.Vivre dans la démocratie signifie que nous avons le devoir de développer la coopération, la réciprocité et la complémentarité.







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