Stop Armes Mutilantes, nouvelle campagne contre la répression

Une nouvelle campagne vient d’être lancée par des militants montpelliérains pour alerter la société sur le problème que représentent les armes sublétales utilisées par le maintien de l’ordre en France. StopArmesMutilantes.org a lancé une tribune pour demander, au regard des très nombreuses mutilations qu’elles ont engendré, leur pure et simple interdiction. De nombreux organisations et syndicats, groupes Gilets jaunes ou écologistes, se sont associés à l’appel.

Une vie, un œil, un pied, une main, … Les nombreux dégâts humains – physiques et psychologiques – causés par les armes policières mutilantes en France sont inacceptables. Il faut les interdire d’urgence. Il en va du respect des personnes et de leurs droits les plus élémentaires.

Avec la mise en place de ce type d’armements progressivement, à commencer dans les banlieues, le nombre de blessés graves tend à s’accroître exponentiellement, notamment depuis les manifestations contre la Loi Travail de 2016 et le mouvement des Gilets jaunes.

Le résultat de cette violence d’Etat est catastrophique. Les dégâts humains causés par ces armes sont incontestables : éborgnements, mutilations, traumatismes maxillaires et crâniens, décès. Ils n’ont rien de proportionné avec les actions que les forces de police prétendent vouloir arrêter. Une publication scientifique [3] a recensé 43 personnes gravement blessées à l’œil ces dernières années (dont 40 entre 2018 et 2019). Parmi ces victimes, 25 souffrent d’une fracture orbitale, 12 d’une fracture de la face et 2 d’entre elles de dommages au cerveau. Depuis 20 ans, il y a eu plus de 60 énucléations [4]. Pour le seul mouvement des Gilets Jaunes, 24 manifestant-e-s ont perdu un œil selon le décompte du journaliste David Dufresne entre novembre 2018 et juin 2019 [5]. A cela s’ajoutent 315 blessures à la tête, 18 à la main, dont plusieurs arrachements, 28 au dos, 75 aux membres supérieurs, 131 aux membres inférieurs, 4 aux parties génitales… mutilations que le site « Le mur jaune » a de son côté contribué à rendre visibles

A Montpellier, comme nous tâchons d’en rendre compte, cet arsenal policier qui ne tue pas aura pour autant changé, parfois dévasté des dizaines de vies. Les syndicats policiers s’égosillent sur la prétendue violence “des manifestants”, dont les forces de l’ordre ont hélas parfois bien du mal à distinguer lesquels représentent un danger censé justifier légitimement l’usage de leurs armes, de ceux qui manifestent pacifiquement pour leurs droits. Le cas de Pierre, ce mardi 10 décembre à Montpellier, qui s’est pris une douille de grenade lacrymo en plein front alors qu’il était assis sur le parapet devant l’arc de Triomphe, résonne avec celui de Manu, qui a perdu son oeil sur la place d’Italie le 16 novembre à Paris.

L’usage violent et débridé de cet armement ne se limite donc pas à se défendre des “émeutiers” violents, black blocs ou autres “ultras jaunes”, mais touche indistinctement manifestants pacifistes, observateurs, médics et de plus en plus, simples passants ou touristes paniqués. Et soyons francs, leur usage ne correspond ni à de la défense, ni à du maintien de l’ordre, mais bien à une stratégie de gestion de foule violente et répressive. Le message passé à l’ensemble de la population est clair, la doctrine néo-libérale guidera au-delà de tout le destin de notre petite élite politico-économique, nos fameux premiers de cordée. Fusse-t-il nécessaire de coincer les mouvements sociaux entre le marteau de la répression et l’enclume de la désinformation.

Alors que les manifestations en marge de la grève générale de décembre se multiplient, et que la présentation de la réforme par Edouard Philippe semble n’avoir satisfait personne, les cas de violences policières se multiplient exponentiellement, au rythme des mobilisations qui se succèdent sur tout le territoire. Peu à peu, la police est en surmenage, et on annonce que près de 1000 CRS se seraient mis en arrêt maladie. C’est alors que vient tout naturellement pour l’institution policière, sous la pression de ses syndicats, le moment d’obtenir au dernier moment le maintien de ses régimes spéciaux de retraite… Retour au boulot !

Ce climat de violence inacceptable est entretenu pour faire peur. Nombreuses sont les personnes qui hésitent désormais à descendre dans la rue pour exprimer collectivement leurs opinions. C’est une limitation de fait de nos droits, notamment celui, constitutionnel, de manifester. Et c’est un moyen pour le gouvernement d’imposer par la force des politiques contestées. Les cas recensés ne permettent plus au discours officiel de sous-évaluer ce qui, de toute évidence, est un recul des libertés publiques.

Cet état de fait est inacceptable dans un Etat de droit. Le niveau de violences policières dans un pays comme la France commence à servir d’alibi partout où les mouvements populaires sont réprimés, que ce soit en Catalogne, à Hong Kong, en Russie ou au Chili…

Afin que cessent les mutilations, il ne convient plus de discuter d’une nouvelle doctrine d’emploi de ces armes mais d’en interdire strictement l’usage, que ce soit lors des manifestations, dans les quartiers ou autour des stades. Et c’est dans la loi que doit s’inscrire cette interdiction.

La Mule du Pape s’associe à la tribune et à la campagne StopArmesMutilantes. En tant que reporters, photographes, vidéastes et journalistes, nous sommes à la fois observateurs et victimes des violences policières sur le terrain, de manière parfois indéniablement ciblée. Observer le maintien de l’ordre en France depuis de longs mois nous met tous face à des scènes parfois choquantes par l’extrémité de leur violence, car la question de ces armes si elles ne sont pas censées tuer, est de savoir à quel point elles blessent et traumatisent. Les “gueules cassées” font leur retour dans notre pays, transformé en paysage de guerre sociale.

 

 

 

 







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