Culture du viol : face au mépris du gouvernement, la parole se libère

Alors que Gérald Darmanin, accusé de viol et connu pour sa proximité avec la Manif pour tous, a été nommé ministre de l’Intérieur à la faveur du dernier remaniement, alors qu’Éric Dupond-Moretti, aux opinions misogynes et connu pour avoir défendu des violeurs, a été nommé garde des sceaux, de nombreux rassemblements féministes ont spontanément émaillé le territoire ce vendredi 10 juillet 2020, notamment à Montpellier, Paris, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille, Saint-Étienne…

A Montpellier, environ 300 personnes se sont réunies sur la place de la Comédie, à l’initiative de plusieurs collectifs féministes, pour dénoncer “la culture du viol En Marche“, alors que l’égalité hommes-femmes avait été présentée comme l’une des grandes priorités du quinquennat. Il semble aujourd’hui, avec ces nominations, que l’idée soit définitivement enterrée, après un Grenelle des violences conjugales qui a ridiculisé le gouvernement par son insuffisance à lutter contre ce fléau sociétal. Aussi, les collectifs poussaient en avant plusieurs revendications : destitution du gouvernement, justice pour les victimes et fin de l’impunité des responsables.

Une libération extraordinaire de la parole des victimes

Si les interventions se sont dans un premier temps tournées vers cette actualité politique révoltante, et à plus forte raison pour toutes les femmes ayant vécu des violences sexuelles, elles ont ensuite pris la direction d’une libération inédite de la parole dans l’espace public, autour de la question du viol, des abus sexuels, du harcèlement quotidien, des traumas, comme de l’impuissance des victimes mise au contact de pouvoirs publics qui ferment largement les yeux sur la réalité.

De très nombreuses femmes et des personnes trans se sont succédé sur le parvis de l’Opéra, pour témoigner d’expériences personnelles souvent extrêmement douloureuses, qui ont traversé d’émotions les nombreuses personnes présentes dans le public. Au fil des larmes et des voix étranglées, de discours qui s’interrompent à cause de l’afflux de souvenirs et d’émotions, s’est dessinée l’image de violences sexuelles et d’une culture du viol omniprésentes dans la société : milieu familial, professionnel, conjugal, espace public diurne comme nocturne, situations de handicap,…

Du harcèlement quotidien au viol, les profils de ces personnes qui ont spontanément et courageusement bravé le silence sont multiples et démontrent que les violences sexuelles ne sont ni nouvelles ni prêtes de se terminer. Leur courage, reçu par la foule par des tonnerres d’applaudissements et d’ovations, a été libérateur pour elles, pour les nombreuses victimes qui ne peuvent toujours pas parler, mais aussi pour toutes celles et ceux qui se pressaient là, même si accepter ces réalités ne peut se faire sans en partager la douleur accablante.

Courage libérateur car transmis, et aussitôt ressenti par ceux et celles qui se doivent d’intervenir et de lutter aux côtés des victimes, au quotidien, à chaque instant de la vie où les instincts de domination les plus vils sexistes s’abattent sans distinction. La honte doit changer de camp.

France, les chiffres de la honte

Chaque année environ 150 femmes sont tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, soit plus d’une tous les trois jours. Près de la moitié de ces meurtres ont eu lieu dans une situation de mariage. 225 000 femmes sont également victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles.

Près de 100 000 femmes sont victimes de viols chaque année en France. Plus d’une Française sur dix a subi un ou plusieurs viols au cours de sa vie et 43% déclarent avoir subi des gestes sexuels sans leur consentement. Dans 90% des cas la victime connaît son agresseur, ce qui est corrélatif au fait que seules environ 15% des victimes de viols déposent plainte, la pression sociale pouvant expliquer un taux aussi bas.

Reportage vidéo : Jude ; Reportage photo : Ricardo Parreira.

 







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