Extinction Rebellion se noie sous les yeux clos de la mairie

Les membres d’Extinction Rebellion Montpellier ont organisé ce samedi 18 juillet une action “visuelle” devant la mairie de Montpellier, pour célébrer l’anniversaire de l’État d’urgence climatique décrété par le maire précédent Philippe Saurel à la suite d’une campagne de communication du collectif écologiste. Effet d’annonce d’un édile qui, sentant le vent tourner, s’est drapé d’écologie toute la fin de son mandat sans que l’on en comprenne la traduction politique concrète : les projets de fonds d’urgence climatique, d’une assemblée citoyenne pour le climat et d’ateliers éco-citoyens dans les écoles ont tous trois été suspendus.

L’action fait suite à un premier happening, mené deux semaines auparavant sur les mêmes lieux. Les militant.es se sont donc réuni.es dans un premier temps autour des bassins jouxtant l’hôtel de ville, et ont simulé des noyades pour évoquer le risque d’inondations destructrices engendré par le dérèglement climatique. Puis, sont posté.es sur le parvis de l’édifice pour délivrer le message suivant : “URGENCE CLIMATIQUE”, devant les quelques médias présents. Des affiches de la précédente campagne ont été collées sur les vitres.

Portée médiatique et limites de l’action

Si l’action menée par Extinction Rebellion présente des résultats esthétiques incontestables en terme de communication, il est toutefois possible d’émettre des réserves sur la feuille de route suivie par les militants depuis quelques semaines. Le principal point noir d’une telle action, qui a été menée par un choix qui se veut cohérent, sous les fenêtres de la mairie, reste que cette dernière était fermée et le quartier presque désert. Ni le personnel, ni un.e élu.e ou le maire n’ont donc assisté à ce happening, qui n’a pu trouver d’échos immédiats sur une place complètement vide et sans aucun passage.

Concernant son impact, l’action se basait donc uniquement sur la présence des médias locaux et sur les capacités de communication du groupe, un choix qui laisse songeur quand on sait que l’été, le milieu militant tend à se mettre en repos et qu’une partie de la population part en vacances. Mais aussi lorsqu’on constate que le centre-ville de Montpellier est blindé de flâneurs et de touristes, et qu’il aurait pu se prêter à une action médiatique d’ampleur, sous les yeux d’un public potentiellement peu au courant des luttes locales écologistes. Donc un coeur de cible important, qui aurait pu se faire lui-même relais vers des cercles néophytes, par force de “lives” ou vidéos transmises sur les réseaux sociaux.

Car le relais médiatique, ici porté par les trois seuls médias présents (la Mule, lemouvement.info et France 3 Régions), aura nécessairement un impact limité par le creux de vague estival, phénomène auquel font face tous les médias, et à plus forte raison les auto-médias ou médias indépendants dont la portée est limitée. Ne rebondissant que sur une actualité interne au mouvement (la déclaration du faux, puis du vrai État d’urgence climatique à Montpellier) et non sur une actualité générale écologique médiatisée à grande ampleur, ce type d’action présente le risque de ne prêcher qu’auprès des convertis.

De plus, la précédente action menée devant la mairie était porteuse du même message, aujourd’hui répété sans apporter concrètement quelque chose de plus : le souhait de pressuriser la nouvelle équipe municipale autour de l’urgence climatique et les problématiques locales qui en découlent. Si l’on va faire un tour sur les différents relais médiatiques de ces deux actions, on se rend compte que le contenu activiste et la façon dont il est retransmis est à peu de choses près exactement le même, quand il n’est pas minimaliste au point de vider totalement l’action de sa substance.

L’œuvre qu’on portait en soi paraît toujours plus belle que celle qu’on a faite.

On peut remarquer parfois un écart entre la façon dont sont envisagées les actions menées par XR Montpellier, et la réalité de leurs retombées médiatiques, voire de leurs déroulements. Aussi, lors de leur blocage du magasin Décathlon à Odysseum pour s’opposer au projet Oxylane, les militants ont essuyé quelques frayeurs en tentant d’assurer un blocage avec un effectif très largement insuffisant, là où seule l’opération de tractage et banderoles prévue aurait pu trouver l’équilibre entre clients capables d’entendre le message et ceux qui voulaient consommer à tout prix (quitte à se montrer agressifs, voire violents). Le fait que ce blocage cible avant toute chose les consommateurs, et non par exemple la logistique du magasin, devient néfaste pour la transmission d’un message activiste. Autre exemple lors de la perturbation du conseil régional autour du projet de Port-la-Nouvelle, où les militant.es ont été brutalement exclu.es sans avoir pu délivrer un message audible aux élu.es présent.es. On remarque que tous les potentiels déroulements ou limites de l’action ne sont parfois pas suffisamment anticipés.

Aujourd’hui, on trouve un décalage entre une action, qui a mobilisé plusieurs dizaines de militant.es et aurait pu être très impressionnante par son esthétique si elle s’était déroulée en présence d’une foule, et son impact logique dans les espaces urbains comme médiatiques, limité de fait par son déroulement quasi confidentiel. La même action dans un espace public très fréquenté n’aurait pas perdu la cohérence de son message, la symbolique n’aurait pas disparu si le lieu choisi n’avait pas été la mairie, tout l’espace urbain montpelliérain étant concerné par sa bétonisation croissante et ne manquant pas de lieux tout autant symboliques que fréquentés à exploiter. Même le siège de la Métropole aurait pu conserver l’aspect symbolique tout en rendant l’action sensiblement plus visible.

Le coeur de ville le plus évident étant la place de la Comédie, nos noyés auraient pu se couler dans ses fontaines, sous les yeux de centaines de personnes cette fois. Le risque supplémentaire ? Une intervention sans doute rapide de la police, qui aurait par ailleurs déclenché un redoublement bienvenu dans l’impact de l’action, dans le cas où elle subissait la moindre forme de répression. Mais dans les faits, le même risque juridique que sous les yeux clos de la mairie. La symbolique doit-elle primer sur le concret ?

Crédits photos : Photocratie

 







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