La police a procédé lundi 31 août au matin à l’expulsion du squat Bouisson-Bertrand, situé rue de la Croix-Verte dans le quartier d’Euromédecine à Montpellier, et qui accueillait jusqu’à 200 réfugiés et demandeurs d’asile depuis plus d’un an et demi. Des dizaines de migrant·es et de militant·es se sont mobilisé·es en se rassemblant devant la Préfecture pour demander des solutions de relogement d’urgence, en vain. Le fondateur de l’association Solidarité Partagée, qui gérait le squat, a été ce matin arrêté et placé en garde à vue suite à ce sit-in, qui s’est prolongé toute la nuit durant.
L’un des plus gros squats de Montpellier, depuis plusieurs mois sous la menace d’une expulsion
L’association Solidarité Partagée a été créée il y a trois ans par Samuel Forest, président, et Lilian Moutonnet, secrétaire général. Elle a d’abord réquisitionné pendant neuf mois le lieu-dit du Château de Leyris, à proximité de la gare Saint-Roch. Mais face à des conditions sanitaires peu satisfaisantes et la menace d’une expulsion, l’association migre en janvier 2019 dans un bâtiment appartenant à la fondation Bouisson-Bertrand, situé rue de la Croix-Verte.
L’association, en plus de fournir un hébergement d’urgence aux demandeurs d’asile, accueille tous ceux qui ont besoin d’un logement, et propose un accompagnement dans le labyrinthe des procédures administratives pour l’accès au droit commun, et un suivi dans les démarches médicales. Les lieux disposent d’un potager d’un hectare, cultivé par les résident·es, d’une salle de sport, et proposent des cours de français langue étrangère. Le squat est ponctuellement ravitaillé par des bénévoles et des associations, et agit en lien avec les institutions et notamment la Préfecture, dans son accompagnement des migrant·es.
Les premières alertes d’expulsion sont venues au début du mois de juillet dernier. Des policiers sont venus prévenir le fondateur Samuel Forest de l’imminence d’une expulsion. A cela s’est ajoutée la réunion de collectifs militants et squats avec le sous Préfet de l’Hérault, qui a prévenu de la priorité mise par les pouvoirs publics sur l’expulsion du squat Bouisson-Bertrand. C’était pourtant le CSA Bonnard qui avait dans la foulée subi son expulsion. Face à cette menace, un campement est installé sur le toit du bâtiment pour prévenir toute intervention policière, et maintenu pendant tout l’été. La semaine dernière, une réunion avec le premier adjoint de la mairie n’aboutit à aucun gage, et à la proposition d’un deuxième rendez-vous. La mairie était donc au courant de l’imminence d’une expulsion.
200 personnes à la rue
Un certain relâchement a eu lieu dans le dispositif prévu pour contrer l’expulsion ces derniers temps. Les policiers en ont-ils profité pour intervenir ce lundi dernier ? Malgré la recherche de nouveaux lieux en amont et des demandes de relogement ou d’hébergement qui n’ont pas abouti, plus de 200 personnes ont du quitter le squat Bouisson-Bertrand, dont 90 ont été directement expulsées par la police. Solidarité Partagée a perdu le contact avec nombre d’entre elles, qui se retrouvent en situation d’extrême précarité.
A 10h du matin, lundi 31 août, les policiers se sont ainsi présentés en nombre rue de la Croix-Verte, et ont forcé le bâtiment pour y pénétrer et procéder à l’expulsion. Les CRS ont cassé les portes des chambres des résident·es et les ont dans un premier temps évacué·es du bâtiment sans leurs affaires. Des échanges virulents ont eu lieu, les réfugié·es ont été répartis en plusieurs groupes dont l’un a été poussé jusque vers la 2×2 voies attenante. Certains demandeurs d’asile ont pu récupérer une partie de leurs affaires après une longue attente, tandis que d’autres avaient déjà quitté les lieux, craignant d’être interpellés et retenus. Dix personnes ont en effet été “prises en charge” par la police aux frontières. Les lieux ont ensuite commencé d’être condamnés.
Dans un communiqué de presse, la Préfecture a une nouvelle fois justifié cette expulsion par les “conditions sanitaires et sociales indignes” de cette occupation, et par la construction à venir d’un lieu “d’hébergement pour les familles de malades, et d’hospitalisation de jour“. Il est certain que mettre à la rue 200 personnes alors que le département vient de passer en zone rouge Covid, témoigne d’un intérêt sincère pour les conditions sanitaires et sociales de l’existence des migrant·es à Montpellier. Merci donc au préfet Jacques Witkowski de témoigner une nouvelle fois de ses convictions humanistes.
Un sit-in de protestation et deux interpellations
Face à cette expulsion et la mise à la rue d’autant de personnes, les milieux militants se sont mobilisés pour protester et accompagner les migrant·es se retrouvant en difficulté. Des membres de Solidarité Partagée, du Barricade, de Nous Sommes, de la Spada, de la Cimade, de la Ligue des Droits de l’Homme, et du collectif Migrant·es Bienvenue, se sont rassemblés sous les fenêtres de la Préfecture, pour réclamer des hébergements d’urgence. La députée LFI Muriel Ressiguier a réussi à obtenir un rendez-vous avec les services préfectoraux, accompagnée par le président de Solidarité Partagée Samuel Forest. Cette rencontre n’a abouti sur rien, sinon la transmission de numéros pour l’hébergement d’urgence, dont les services sont saturés à Montpellier. Aucune proposition de relogement n’a été formulée.
En réaction, les militant·es accompagné·es de 49 migrant·es, ont tenu leur sit-in devant la Préfecture toute la nuit durant, aidé·es par le Samu Social venu distribuer des couvertures. Des policiers sont venus échanger pendant la nuit, ont demandé au groupe de partir, ce que ce dernier a refusé de faire.
Le lendemain matin, les policiers sont arrivés très nombreux pour déloger le sit-in. C’est à ce moment que l’interpellation musclée de Samuel Forest s’est produite, ainsi que celle d’un migrant. Pour l’heure, nous ignorons les raisons invoquées par la police pour le retenir en garde à vue. Son avocat estime que le président de Solidarité Partagée pourrait être relâché demain matin. Toutes les personnes présentes ont vu leurs identités contrôlées.
Rassemblement de soutien ce mardi 1er septembre à 18h, devant la Préfecture
Suite à ce délogement, les demandeurs d’asile et les militant·es se sont réuni·es du côté de la SPADA, place Henri Krasucki, où tous·tes les expulsé·es se sont enregistré·es sur une liste de demandes d’hébergement d’extrême urgence. La SPADA a assuré faire le maximum pour établir des critères de priorité permettant leur relogement rapide. Quelques bénévoles du Secours Populaire sont venus participer au ravitaillement des personnes présentes.
En soutien de Solidarité Partagé, le collectif Migrant·es bienvenue 34, accompagné par la LDH, a contacté la mairie en vue d’obtenir un lieu d’accueil décent comme un gymnase, afin d’éviter que toutes ces personnes passent une nouvelle nuit à la rue. Un deuxième rendez-vous a été demandé à la Préfecture aujourd’hui, un rassemblement de soutien aura lieu à 18h sur la place des Martyrs de la Résistance.
MAJ: Samuel Forest, président de Solidarité Partagée, a finalement été relâché en fin d’après midi.
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