Marche nationale des Sans-Papiers : l’indigne “pays des droits de l’Homme”

Ce samedi 19 septembre à partir de 14h30 se déroulait à Montpellier une manifestation de soutien pour la Marche nationale des Sans-Papiers, événement qui verra des centaines de sans-papiers parcourir la France au départ de ses grandes villes, pour se réunir à Paris pour une manifestation d’ampleur le 17 octobre.

Parti de Plan Cabanes, le cortège dans une ambiance très festive est passé sous les fenêtres de la préfecture où des gendarmes mobiles avaient été déployés, avant de se rendre sur la place de la Comédie où des sans-papiers ont pris la parole sous les applaudissements et les encouragements. Plusieurs centaines de personnes étaient venues apporter leur soutien à celles et ceux qui, souvent au péril de leurs vies et dans l’espoir d’une existence meilleure, sont venues trouver dans notre pays un cauchemar qu’ils n’attendaient pas.

Welcome to France

Ayant souvent vécu avec l’image de la France pays des droits de l’Homme, que notre diplomatie, notre culture, nos médias, propagent avec fierté et condescendance partout autour du globe, ils et elles ont déchanté en arrivant sur le territoire, après avoir quitté des pays fracturés par les guerres civiles, les dictatures, l’extrême pauvreté ou le terrorisme, et pour certains, que l’Occident et la Chine pillent allègrement par l’entremise de leurs multinationales.

SPADA, GUDA, OFPRA, CNDA… Face au labyrinthe administratif dantesque du droit d’asile et de la régularisation (lire notre article), les sans-papiers n’ont accès ni à un logement décent ni au droit de travailler légalement, et sont souvent obligé·es de se loger dans des squats quand ils et elles ne dorment tout simplement pas dans la rue.

Partout, tout le temps, pour celles et ceux qui échouent dans le processus de régularisation ou n’y ont pas accès, le danger et l’inquiétude d’être “pris en charge” par la Police aux Frontières et transféré·es dans des Centres de rétention, véritables prisons pour migrant·es, parfois pendant de nombreux mois en attendant ou non une expulsion du territoire. L’isolement et la précarité traversent la xénophobie ambiante de la société. Sans l’appui des associations dont le travail militant est primordial, il est extrêmement difficile et incertain de mener à bien un processus de régularisation.

Premiers de corvée, corvéables à merci

Pourtant, les sans-papiers contribuent bel et bien à l’économie, en pourvoyant les postes du travail illégal qui n’a évidemment en rien disparu : rangement des terrasses, manutentions, cuisines des restaurants, ménages, etc… Cette économie informelle reste tabou bien qu’elle arrange un peu tout le monde, on peut parler de phénomène de “délocalisation sur place” de ces emplois mal payés dont personne ne veut (lire notre article : De Vintimille à Menton, le manège des frontières). Pendant le confinement, nombre de sans-papiers ont bel et bien continué de se rendre utiles, quand d’autres, n’ont pas eu le choix et ont perdu leurs emplois, sans chômage partiel ni rien pour subsister.

De plus, l’irrégularité catalyse violemment les risques subis par les femmes. Après les viols ou violences sexuelles parfois subies pendant la migration, nombre d’entre elles intègrent le tissu économique informel français en versant parfois dans des réseaux transnationaux de prostitution ou de travail illégal tel que ménages ou aide à la personne, “à l’ombre de la Loi et du droit“.

En Italie et au Portugal, de vastes campagnes de régularisation des sans papiers ont été menées suite à la crise du Covid19. En France, malgré de fortes mobilisations ces derniers mois, le gouvernement fait la sourde oreille. Encore une fois, nos gouvernants se distinguent par leur inhumanité, et notre pays par son incapacité à accueillir dignement des êtres humains sur son sol. L’exemple des récentes expulsions de squats à Montpellier, mettant à la rue des dizaines de migrant·es et sans-papiers en pleine crise sanitaire, a choqué les milieux militants.

“On marche vers l’Élysée !”

Face à cette situation dramatique, les sans-papiers se mobilisent à l’échelle nationale, aux côtés des associations et militant·es qui leur viennent en aide. Le 30 mai dernier, des milliers de sans-papiers et leurs soutiens ont bravé l’interdiction de manifester à Paris ainsi que dans d’autres villes. Le 20 juin, les manifestations se sont multipliées partout sur le territoire : Paris, Marseille, Lyon, Lille, Rennes, Montpellier, Strasbourg, etc… Cette date marque le début d’un mouvement d’ampleur qui vient se confirmer aujourd’hui avec cette Marche des solidarités, ou Marche nationale des Sans-Papiers.

“Nous disons qu’une société qui refuse l’égalité des droits au prétexte de la nationalité, de l’origine, de la couleur de peau, sera de plus en plus gangrénée par le racisme et les violences d’État. […] Une société qui accepte l’inégalité des droits, la surexploitation, la répression, l’enfermement et l’expulsion des Sans-Papiers au nom de la crise, sera désarmée face à toutes les attaques sociales.

Cette mobilisation n’est pas exempte de revendications : régularisation de tous les sans-papiers, fermeture des centre de rétention administrative, logement pour toutes et tous. Afin de porter ces demandes, des sans-papiers s’élanceront de Marseille, Montpellier, Toulouse, Lille, Rennes ou encore Strasbourg, et rejoindront à pied la capitale pour une manifestation d’ampleur le 17 octobre.

“Parce qu’il s’agit de liberté et de solidarité, nous manifesterons le 17 octobre en hommage à toutes les victimes du colonialisme, du racisme et des violences de la police, en hommage à toutes les victimes des politiques anti-migratoires et des contrôles au faciès.







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