Charte de la laïcité : le militantisme montpelliérain met une gauche à Delafosse

Un large rassemblement de citoyen·nes montpelliérain·es impliqué·es dans des associations, syndicats, collectifs, ou partis politiques de gauche (la Ligue des droits de l’Homme, la Libre Pensée, les Rencontres Marx, des Gilets jaunes, le PCF, la CGT, Nous Sommes ou LFI pour ne citer qu’eux) pointe du doigt la Charte de la laïcité du nouveau maire Michael Delafosse. Les signataires du texte réclament l’abrogation pure et simple de ce projet, décrié comme intrusif et liberticide.

La laïcité, l’arbre qui cache l’islamophobie ?

Multipliant les coups de com’ sécuritaires depuis le début de son mandat afin de toujours mieux “renforcer l’autorité républicaine“, l’édile veut priver de subvention toute association qui ne s’engagerait pas à respecter la dite charte, qui reprend le contenu de celle mise en avant par le gouvernement Macron dans son projet de loi contre les “séparatismes”.

Alors que la Macronie semble récemment calquer ses faits et gestes sur l’héritage xénophobe de l’inimitable Nicolas Sarkozy, ce projet de loi découle bien évidemment de la “lutte contre l’islamisme”, repoussoir sécuritaire majeur de la 5ème république. C’est donc dans ce souffle politico-médiatique que vient s’inscrire la charte de Michael Delafosse, qui vient nous rappeler encore une fois s’il en fallait, que le PS n’est pas un parti de gauche.

Problème ? Une vision dévoyée du concept de laïcité et qui ne s’inscrit pas dans l’esprit de la loi de 1905, garantissant la neutralité des institutions tout comme la liberté de conscience individuelle, mais plutôt dans ces incessantes polémiques médiatiques stigmatisant la population musulmane de France, qui se multiplient à chaque échéance électorale.

Alors qu’une étudiante syndicaliste de l’UNEF, Maryam Pougetoux, venue voilée en audition devant une commission de l’Assemblée nationale, a provoqué un concert de cris d’orfraies aux relents islamophobes parmi les parlementaires du PS à l’extrême droite, on n’a jamais entendu personne s’offusquer du port de l’habit sacerdotal catholique, de la kippa, ou de la toge bouddhiste dans les enceintes républicaines. Et pour cause, la loi sur la laïcité de 1905 s’applique à l’organisation de l’espace public par l’État et non aux usagers de ce dernier, qui restent légitimement en droit de porter ostensiblement tout signe d’appartenance à un culte.

Socialiste réactionnaire

Il est donc plutôt permis de s’interroger sur les raisons d’une “stigmatisation laïque” qui s’applique toujours aux mêmes, et de remettre en question à la fois le bienfondé de l’initiative du nouveau maire, tout comme son sens du timing… Rappelons qu’en pleine campagne électorale le candidat Delafosse avait fermement fait exclure de sa liste une militante de son allié PCF, Samira Yakhlef, en raison de son port du voile et en dépit des grands principes de la laïcité, provoquant indignations et scission jusque dans les rangs communistes. Un maire qui rassemble ?

[J’ai ajouté ce paragraphe après avoir lu l’interview de Delafosse citée consécutivement : ] Aux États-Unis, l’élue démocrate au congrès Ilhan Omar, d’origine somalienne et de culture islamique, peut fièrement porter son voile, de manière traditionnelle comme sous la forme du hidjab, dans l’exercice de ses fonctions. Les critiques tendent à fuser du côté de l’ennemi républicain xénophobe bien plus que de celui de ses alliés progressistes. Au Royaume-Uni, le représentant à la chambre des communes Tanmanjeet Singh a pu porter son turban sikh pendant sa campagne électorale comme après son élection. Loin de mettre en valeur les systèmes anglo-saxons en terme d’inclusion, l’idée est bien plus de montrer qu’à l’échelle locale, Delafosse qui se revendique parangon de la laïcité dans une interview aujourd’hui au Métropolitain est bien l’apôtre d’une vision réactionnaire de celle-ci, qui devrait en tout point correspondre à une visualité normative et excluante.

“J’étais adolescente lorsque le 11-Septembre a eu lieu. J’ai été mal à l’aise parce que beaucoup de membres de ma communauté ont pensé qu’ils devaient se couper de leur identité pour atténuer la violence et leur peur. Moi, j’ai pensé que la meilleure des choses à faire était d’être une musulmane visible pour que les gens associent aux musulmans des interactions positives”

Ilhan Omar.

Rappelons tendancieusement qu’un des premiers actes officiels du maire Delafosse était de se rendre au premier rang des cérémonies de la Saint Roch cet été, sans son écharpe de maire – évitant ainsi le reproche récurrent qu’on adressait à son prédécesseur Philippe Saurel – mais ne s’épargnant pas un discret coup de com’ vers les milieux traditionalistes catholiques de Montpellier. Les activités d’associations liées à d’autres cultes que l’Islam ne sont que rarement remises en question dans l’espace médiatique, un curieux hasard ?

Nous relayons ci-dessous l’appel émis collectivement par les signataires :

La laïcité ne doit pas être dévoyée pour nous diviser

Les signataires de ce texte sont tous engagés dans des combats sur différents terrains. Nous sommes tous cependant attachés à la laïcité, donc à la loi de 1905.

Aussi, nous estimons que l’édifice de libertés de conscience construit au fil du temps et des combats menés par nos ainés, parfois de manière douloureuse, permet aujourd’hui à chacun d’exercer son libre arbitre. Dans ces conditions, nous estimons que toute tentative de modifier la loi de 1905 ou de tordre la laïcité pour en faire un outil de division, ou de suspicion en direction de certains de nos concitoyens ne rentre pas dans le champ du combat pour son renforcement.

La Laïcité impose la neutralité à l’Etat et aux institutions de la République vis-à-vis des religions, dont elle n’assure ni le financement ni la promotion. C’est à ces institutions que s’imposent les obligations laïques de neutralité et non aux associations.

En revanche, les citoyens ont la liberté de conscience, et notamment ont le droit d’avoir leur point de vue sur la laïcité, libre à chacun d’avoir son avis propre.

Donc exiger des associations de signer « la charte de la laïcité » élaborée sous la direction de Macron et prévue dans la « loi contre le séparatisme », et de conditionner à ceci l’attribution de subventions, voire pire, d’aller regarder ce qu’elles disent et ce qu’elles font, tout cela n’a rien à voir avec la laïcité.

La laïcité, c’est le respect de la liberté de conscience. Comment pourrait-on forcer les consciences en imposant une vision de la société au nom de la laïcité ? Une charte de la laïcité, c’est l’oxymore de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789.

Le Maire de Montpellier et Président de la Métropole veut que Montpellier soit la première ville à faire signer cette charte de la laïcité aux associations sous peine de leur refuser des subventions.

Nous lui demandons instamment de renoncer à ce projet qui viserait à vérifier et contrôler les opinions des citoyens, ce qui n’est ni le rôle ni le but de la laïcité.

Premiers signataires :

Christophe LOPEZ, libre-penseur et syndicaliste
Sabine RAYNAUD, Institutrice et Gilet Jaune
David JOVIADO, Sfa-CGT
Robert KISSOUS, Rencontres Marx, PCF Montpellier
Claire TESTA, LDH Montpellier
Sylvain GOURY, LDH Montpellier
Nicole GINOT, professeur retraitée, PCF Montpellier
Jean-Jacques GANDINI, LDH / SAF
Mohamed NACIRI, président ATMF34 (Association des Travailleurs Maghrébins de France)
Isabelle CABECA, PCF Montpellier
Artee PANRAY, militante EELV
Michèle ZEMOR, militante EELV
François GUERRIN, CGT section des retraités multipros de Montpellier
Pierre-Yves DACHEUX, LDH Mtp
Jacqueline KISSOUS, militante associative AFPS34, PCF
François GOT, militant MRAP, PCF
Janine ROBERT, Amis du Monde Diplo, AFPS34
Maxime MICHAUD, militant PCF Montpellier
Hugo BOS, militant PCF Montpellier
Dalila Ben OTHMAN, enseignants retraités
Jean-Marc LUCK, enseignants retraités
Christian PAYARD, militant LDH Montpellier
Henri AUSSEIL, militant associatif, PCF
Alban DESOUTTER, Libre Pensée
Bernard DUPIN, Association “Décidons Jacou”
Philippe DAUMAS, ex-Maître de Conférences à l’Université Paul Valéry
Patrick SEGUIN
Daniel BARTEMENT, Maître de conférences en Géographie, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Gérard LORIGNY, directeur d’école à la retraite
Martine ARTIGUES
Jacques ARTIGUES
Elsa CAPRON, Maîtresse de Conférences en Etudes Hispaniques
Logan KAMAL-GIRARD, ATER en droit public et militant LDH
Anne Marie OUDRER, militante ATTAC
Daniel KUPFERSTEIN, réalisateur
Leah OTIS, membre LDH Montpelllier
Damien GAUTREAU, professeur d’histoire-géographie
Stéphane VIDAL, France Insoumise
Jean-Claude MOLIERE, Libre Penseur
Roger MONCHARMONT, ancien fonctionnaire public
Mathilde KAMAL-GIRARD, Maîtresse de conférence contractuelle en droit public et militante LDH
Jean Pierre SPARFEL, syndicaliste cheminot
Marion KISSOUS, doctorante en informatique, membre du PCF
Laurent BAIBARAC, Syndicaliste Cheminot
Marie-Paule CORDONNIER, MRAP Montpellier
Martine RAGONNET, PCF, militante CGT et Mouvement de la Paix
Annie SALSE, militante CGT
Antoine RABADAN, Contre la “laïcité” islamophobe
Abel HAIDOUX, France Insoumise PIC SAINT LOUP et militant CGT
Marc LE TOURNEUR, retraité des transports publics
Audrey MARC, syndicaliste, professeur agrégé d’histoire géographie
Nadia RHEZLANI, militante associative Montpellier
Myriam BARBERA BOYER, Journaliste, Députée honoraire PCF
Martine APPRIOU, syndicaliste et libre penseur.
Jean Paul CROS, Président de la Fédération unie de l’Hérault Libre Pensée
Pascal LACINCE, militant associatif
Dominique LOFE, militant France Insoumise Montpellier
Thierry LERCH, militant CGT
Christian VERNET, militant CGT
Jean-Pierre BLACHERE, CGT
Michèle SELLES, CGT
Bruno COSME, PCF
Simon Bernard, Gilet Jaune
Colette ZANNETTACCI, médecin de Santé Publique en retraite. Ancienne élue PCF de Montpellier
Kamel BENMAKHLOUF, militant associatif
Madeleine ESTRYN-BEHAR Dr (MD, PhD) Ergonomie hospitalière
Françoise ALAMARTINE, conseil fédéral EELV- Sète
Cyril CZERNIELEWSKI, libre penseur
Jean-Denis LOVICONI, retraité de la Poste
Hillel COHEN, retraité Montpellier
Denise DELTERME, PCF
Mireille FAGE, militante associative et PCF
David GARCIA, infirmier
Léo DUQUET, citoyen de Montpellier
Liborio CENCI, architecte
Gérard ROIZES, Directeur de recherches émérite CNRS
Henri ESCUDIER. Enseignant retraité. Militant laïque.
André CAUVY, Fonctionnaire d’Etat et membre d’ATTAC
Catherine MEYER, retraitée syndiquée CGT
Samira YAKHLEF, militante associative, PCF
Patrice VICTOR, Journaliste indépendant
Michel PERRAUD, militant CGT
Gilles BEUCHER, CGT
Monique SER0T, adhérente AFPS34
Frédéric BALDY, Éducateur spécialisé
Keltoum ANOUNE, Professeur des écoles retraitée
Aurélien ALPHON-LAYRE, Responsable de la Section Syndicale CGT Smart Coop
Luc DOUMENC, Architecte urbaniste, Association Patrick Geddes
Marc NOUGIER, militant Nous Sommes Montpellier et gilet jaune
Martine Teboul, retraitée
André Belles, PCF retraité instituteur

 







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