Le 3 octobre dernier, à l’appel des organisations Alternatiba et ANV-COP21, des militant·es et citoyen·nes ont marché, partout en France, sur les aéroports pour dénoncer l’impact carbone démesuré de ce moyen de transport utilisé par une minorité de la population (les deux tiers des Français·es ne le prennent qu’une fois par an). A Montpellier, environ cent personnes avaient participé à l’opération et s’étaient rendues devant l’aéroport Montpellier-Méditerranée. Dix jours plus tard, le conseil de la Métropole votait une subvention de 150 000€ d’argent public pour participer au développement de ce dernier.
Un lobby bien implanté au sein des institutions
C’est l’organisation Greenpeace qui a levé le lièvre dans un article publié sur son site internet hier, qui révèle que ce financement découle de l’initiative de la “Commission tourisme aéroport” de la Métropole, groupe de travail dont la création a été impulsée par l’aéroport Montpellier-Méditerranée lui-même “afin de favoriser le développement de la plate-forme aéroportuaire“. C’est sous la forme d’une convention biannuelle avec le Comité Régional de Tourisme Occitanie que 400 000€ de subventions sont délivrées, dont 150 000€ provenant de la poche de la Métropole, dans le but de mettre en place des actions visant à développer l’aéroport.
Greenpeace dénonce des relations privilégiées entre les représentants de l’aérien et les acteurs politiques et institutions publiques, notant que le président de l’aéroport M. Brehmer a rencontré le nouveau maire Delafosse dès son élection à la mairie, et que les directeurs marketing des aéroports de Toulouse et Montpellier siègent à la Commission Régionale de l’Innovation Touristique, permettant une forme d’entrisme lobbyiste au coeur de l’institution vouée à obtenir le soutien public à l’activité aéroportuaire, “en faisant miroiter des retombées financières sur le territoire.”
“Ce travail de lobbying débouche sur des aides publiques indispensables au fonctionnement du secteur aérien. Il s’agit parfois de subventions directes, comme dans le cas de l’affaire n°26, mais la majorité des aides se retrouvent sous la forme de réduction ou d’exonération de charges, permettant aux compagnies aériennes et aux aéroports de fonctionner avec des dépenses largement inférieures à leur coût réel, la différence étant compensée par le contribuable. L’absence de taxation sur le kérosène, la réduction des taxes foncières sur les aéroports, les exonérations de charge accordées à des compagnies low-cost sont autant de manque à gagner pour les caisses de l’état. Le coût de ces aides pour l’Etat est estimé à plus de 500 millions d’euros par an.”
Le secteur de l’aviation civile met toutefois en exergue des problématiques globales quant au dérèglement climatique, entre pollution croissante et inégalités sociales. L’aviation représente en effet 7,3% de l’empreinte carbone des Français·es, quand le trafic aérien subit un doublement de son activité tous les quinze ans et qu’en France une quinzaine de projets de nouvelles infrastructures aéroportuaires sont en cours.
Un vol Montpellier – Paris émet en effet l’équivalent d’environ 85 kg de CO2 par passager ! Par contre le train qui met 3h30 de Montpellier Saint Roch à Paris- Gare de Lyon, émet en moyenne par passager autour de 1,9 kg de CO2, soit plus de 40 fois moins !
Logiquement très touché par la crise du coronavirus, le secteur fait l’objet de financements publics pour compenser les pertes, alors que l’heure aurait pu être à une remise en question de ce mode de transport et au développement des alternatives moins polluantes. Air France a par exemple reçu 7,5 milliards d’euros d’argent public par l’État, avant de procéder au licenciement de 7500 postes trois mois plus tard. Si les financements publics abondent sur le secteur aéroportuaire, ce n’est cependant pas un fait nouveau et ces subventions doivent respecter un certain nombre de réglementations et notamment européennes. Greenpeace rappelle que “la région Languedoc-Roussillon s’est malheureusement illustrée plusieurs fois ces dernières années, dans des affaires mettant en jeu plusieurs millions d’euros d’argent public” :
En 2014, la compagnie RyanAir est condamnée à rembourser 6,4M€ d’aides publiques perçues par l’intermédiaire de l’aéroport de Nîmes (Source : Midi Libre).
En 2019, RyanAir est à nouveau condamnée à rembourser 8,5M€ d’aides d’état illégalement perçues via « l’Association de Promotion des Flux Touristiques et Economiques », financée par des fonds publics, dans le cadre d’un contrat visant à promouvoir l’aéroport de Montpellier (Source : Commission Européenne).
En Mars 2020, la Commission Européenne a ouvert une enquête approfondie sur des accords entre RyanAir (pour changer) et l’aéroport de Béziers, portant sur l’attribution d’aides d’Etat illégales perçues depuis 2007 (Source : France 3 Occitanie).
Quand on n’a de vert que la couleur
Revenant sur ce conseil métropolitain qui a permis l’attribution de financement, Greenpeace s’alarme du “soutien aveugle de nos élus locaux à un secteur très polluant. […] Les discussions concernant l’affaire 26 ont été très rapides“. Si des élu·es ont rappelé au cours du débat que “l’aérien doit faire l’objet d’un débat complet“, ils ne sont que dix conseillers à s’être opposés à ce financement, approuvé par le maire Delafosse qui a conclu “tristement la discussion en expliquant que les enjeux économiques sont trop importants et que la métropole doit être aux côtés de l’aéroport.”
Ce vote est emblématique de l’impossibilité pour les politiques, malgré l’urgence climatique aujourd’hui très largement médiatisée grâce aux efforts des scientifiques, de changer de paradigme et de concevoir une société différente et adaptée aux enjeux planétaires auxquels nous faisons face dans cette décennie de la dernière chance. Ce sont des changements radicaux de logique dont nous avons besoin, en plaçant l’action écologique au-dessus de nécessités économiques fortement empreintes de l’idéologie néolibérale.
Le projet de développement de l’aéroport de Montpellier, qui souhaite passer sa capacité d’accueil de 2 à 3 millions d’usagers annuels d’ici cinq ans, s’inscrit en effet aux côtés de celui du développement de la Métropole, qui vise à attirer toujours plus de monde sur son territoire, provoquant la bétonisation galopante de celui-ci en dépit de taux de chômage et de pauvreté alarmants… Malgré l’urgence climatique et des problématiques écologiques toujours plus prégnantes entre multiplication des incendies, des inondations ou des phénomènes caniculaires, la majorité socialiste, qui affute pourtant son déguisement écolo à coup de greenwashing depuis quelques années, ne semble pas prête à revoir sa copie.
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