Pourquoi je ne me ferai pas vacciner…

Au milieu des discours complotistes et/ou d’extrême droite qu’on entend dans les manifestations anti-pass, je ressens le besoin d’exprimer les arguments qui font que je ne suis pas vacciné (mais pas antivax), et contre le Pass sanitaire. Je ne parlerai pas ici de Bill Gates, de la 5G, ou d’Israël. Je ne parlerai pas non plus du vaccin, de réinformation, de “merdias”, ni de telle éminence qui serait passée à la télé et détiendrait la vérité. Comme disait Socrate, je sais que je ne sais rien. Je vais simplement exposer mes raisons, qui m’appartiennent et ne représentent que moi. Libre à chacun d’y voir à son tour du n’importe quoi.

Je ne suis pas prioritaire

J’ai 33 ans et je suis en bonne santé. Le Covid, je l’ai déjà eu sans m’en rendre compte, et je l’ai bien encaissé. Rien ne me garantit que je ne serai pas à nouveau contaminé, et cette fois avec une forme grave, mais je ne fais clairement pas partie des plus à risques. Il y en a plein d’autres avant moi. Or, la crise du Covid révèle, s’il y en avait encore besoin, le caractère individualiste et néo-libéral de notre société dégueulasse.

La course à l’armement

Dans une crise sanitaire planétaire inédite de nos vivants, les pays riches avaient promis-juré d’agir pour l’intérêt général et de rendre publics les brevets des vaccins qui sortiraient, pour que chacun puisse s’en emparer, en produire, et protéger la population. On a plutôt assisté à une course à l’armement, dans laquelle ils se sont comme d’habitude accaparé les richesses. On a commandé des doses à ne plus savoir quoi en faire, certaines ont eu le temps de périmer. Début octobre, le taux de vaccination en Afrique n’atteignait pas 4%. Mais tout va bien puisqu’en France, on est aujourd’hui à plus de 74% (plus de 50 millions de français ont un schéma vaccinal complet).

Dans une lettre ouverte, les dirigeants du programme Covax préviennent ceux du G20, réunis le week-end dernier à Rome : « Aujourd’hui, le monde est confronté à deux choix. Nous pouvons continuer sur la voie actuelle d’une pandémie à deux vitesses : des sociétés qui recommencent à vivre dans certaines parties du monde; tandis que d’autres sont laissées sur le bas-côté. Ou bien nous pouvons nous engager réellement vers une solution dans l’intérêt de tous, un monde où la COVID-19 est sous contrôle partout et où les risques d’apparition de nouveaux variants mortels sont minimisés ».

Ces dirigeants rappellent également que sur les 1,3 milliards de doses promises à Covax par les pays riches (en majorité des Astra Zeneca, faut pas déconner non plus), « seules 150 millions d’entre elles ont été livrées », et souvent « au compte-gouttes, avec peu de préavis et une courte durée de conservation ». La faute à l’Inde, gros producteur d’Astra Zeneca, qui a interdit l’exportation de vaccins face à la flambée de Covid dans le pays ? Trop facile.

En mai dernier, le président Emmanuel Macron estimait pourtant que « nous n’avons pas le droit de stocker les vaccins dans certains pays alors que d’autres en manquent. Et il est choquant qu’on commence parfois à vacciner les enfants là où on n’a pas encore commencé à vacciner les plus âgés, les plus fragiles dans d’autres pays ». Magnifique. Pour dire « non au clientélisme, oui au multilatéralisme vaccinal », Macron avait alors promis l’envoi de 30 millions de doses d’ici la fin d’année. En juin, il mettait les bouchées doubles (60 millions). Et fin septembre, après que Libé ait indiqué que seules 4,3 millions de doses avaient été livrées par la France, il promettait le quadruple (120 millions). Au sein même du territoire français, les inégalités sont criantes (Dom-Tom, Seine-Saint-Denis). De nombreuses promesses, d’euros ou de vaccins, sont encore sorties du G20 ce week-end. En attendant, le Covid vient d’atteindre le chiffre bien réel de 5 millions de morts dans le monde.

Quelle absurdité, quel cynisme, que de « forcer » des gens à se faire vacciner alors qu’ils ne le veulent pas, tout en empêchant ceux qui le veulent de bénéficier de doses… Vous voulez que je me vaccine ? Donnez ma dose.

L’infantilisation et l’arrogance d’Emmanuel Macron

En termes de communication malvenue et de cynisme, notre gouvernement ne donne jamais sa part au chien. Face à la pénurie de masques, quelques années après avoir vendu nos stocks stratégiques – en 2009, la France était un pays riche de 723 millions de masques FFP2 et un milliard de chirurgicaux -, notre gouvernement nous a d’abord dit que le port du masque était dangereux. Sa porte-parole, Sibeth Ndiaye, assumait (terme à la mode pour dire « je vous emmerde ») de mentir si cela pouvait protéger le président. Rien ne dit que d’autres auraient mieux géré, mais nos dirigeants ont été à la ramasse sur toute la ligne. Les masques sont dangereux, puis recommandés, et même rendus obligatoires une fois qu’on a racheté à prix d’or ce qu’on a vendu pour une misère quelques années auparavant. Les confinements ont été lourds de conséquences sur de nombreuses populations. Le personnel soignant a été dépassé et s’est épuisé à s’en dégoûter. Applaudi l’an dernier, il se voit aujourd’hui contraint de se faire vacciner sous peine de perdre son emploi. Encore merci.

Et puis ce ton. Cette façon d’être toujours dans l’infantilisation, jamais dans le doute, toujours dans le « j’assume »… Je suis adulte et responsable, je sais où je vais, je sais qui j’embrasse, qui je prends dans mes bras, et avec qui garder mes distances… Je n’ai pas besoin d’un président mégalomane et obsédé par son intérêt présidentiel pour me dire ce que je dois faire.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Dans le genre « faites ce que je dis, pas ce que je fais » de nos gouvernants, un détail m’a frappé à Montpellier : le tramway. Au sortir du « vrai » confinement, le premier, j’avais été bluffé : un siège sur deux condamné, du gel hydroalcoolique, bonne attitude des usagers… Au sortir du second confinement, ce n’était plus la même. Depuis, les trams sont redevenus des boîtes à sardines où l’on peut s’entasser, les boîtes de gel sont absentes quand elles ne sont pas vides… Des nids à clusters comme on dit. Comme si d’un coup, il n’était plus dangereux de prendre le tram. Faut dire que ça devait coûter « un pognon de dingue ». En revanche, gare à l’amende pour qui met le nez dehors plus d’une heure, sans attestation, ou laisse son masque tomber sous le nez… Regardez d’abord vos trams, vos métros, et vos gares, ensuite vous pourrez faire la leçon.

Le chantage affectif

« Si tu ne veux pas te faire vacciner, fais-le pour les autres. Tu mets en danger la vie d’autrui, c’est irresponsable ». Si un jour je me fais de nouveau contaminer, je ne m’en prendrai qu’à moi-même. J’avais le choix de me faire vacciner, je ne l’ai pas fait. Moi aussi, « j’assume ». Si je contamine quelqu’un, c’est que cette personne n’a pas été vaccinée… ou que le vaccin s’est révélé inefficace. Dans sa campagne de pub faussement pédagogue et culpabilisante (« c’est important aussi, les autres »… Va dire ça au G20 !), le ministère de la Santé poste un message à la fin de son spot : « On peut discuter de tout sauf des chiffres. Aujourd’hui en France, huit personnes sur dix hospitalisées en raison du Covid ne sont pas vaccinées. » Cela veut dire que deux personnes sur dix hospitalisées en raison du Covid sont vaccinées. Sachant le taux de vaccination, qui avoisinait à ce moment-là les 70%, ce chiffre n’est pas de nature à donner confiance. Aujourd’hui dans les médias, celui qui n’est pas vacciné est réduit au rang d’antivax, ou d’anti-pass, en tout cas de Gaulois réfractaire. C’est vrai qu’on en entend de belles en matière de complotisme et de n’importe quoi. Mais réduire les anti-pass à ce discours et les faire passer pour des abrutis irresponsables est maladroit et malhonnête.

C’est surtout faire le jeu de la division. Un jeu qui s’inscrit bien dans une époque où la généralisation est reine. Il y a les pro et les anti, tous sûrs d’eux et pleins de convictions. Aucune place pour la demi-mesure. Ici, on est soit collabo, soit complotiste. Aucune place pour le doute non plus. J’entends ceux qui appellent à se faire vacciner, j’entends ceux qui disent qu’on injecte la 5G. Je n’entends pas ceux qui se posent des questions. Pourtant ils sont nombreux. Astra Zeneca inefficace contre les variants ? Vacciner les enfants ? Les vaccins russe et chinois sont mauvais ? Ah, il faut une troisième dose maintenant ? Peut-être un rappel annuel ?… Les questionnements sont légitimes, ils nécessitent plus de raison et moins de passion. Mais ce n’est peut-être pas télégénique. En attendant, le sujet devient au mieux sensible, au pire tabou. Les familles se disputent et les Français se divisent, pendant qu’en haut, on prépare le printemps.



Le chantage tout court

Aujourd’hui, Emmanuel Macron, obsédé par sa réélection en 2022, doit en finir avec la crise sanitaire. Vacciner un maximum de la population est un enjeu majeur pour lui. Face à l’urgence (et au retard), il opte pour la manière forte.

Lorsqu’il annonce l’instauration du Pass sanitaire, le 12 juillet dernier, 1,7 millions de personnes prennent rendez-vous sur Doctolib en 24h. Neuf jours plus tard, ce chiffre passe à 4,3 millions. Le président salue alors une « prise de conscience des Français » plutôt qu’une résignation afin de retrouver enfin un semblant de vie normale. On peut débattre du bien-fondé ou non du Pass sanitaire, mais ces vaccinations à contre-cœur sont un passage en force. Ceux qui n’y cèdent pas se retrouvent exclus des cafés, des restaurants, des bars, des théâtres, cinés, stades, concerts, musées… bref, au rang de sous-citoyens. Et pour être sûr qu’ils comprennent qu’il valait mieux se convertir, on va rendre payants les tests désormais dits « de confort ». Depuis le 15 octobre, sans ordonnance, le test PCR se monnaie à 44€ dans les labos, l’antigénique à 22€ dans les pharmacies. Du coup, le nombre de tests baisse, surtout chez les jeunes, qui n’ont pas 22€ à mettre dans un test, et les fraudes au QR Code se multiplient. Si l’enjeu était sanitaire plutôt que vaccinal, les tests seraient restés gratuits.

Enfin que dire de l’obligation vaccinale faite au personnel soignant, hier applaudi, aujourd’hui viré car pas d’accord, alors même qu’il y a une pénurie de personnel ? C’est d’une ingratitude folle, et d’une logique complètement absurde.

Au printemps prochain, lorsqu’il faudra aller voter, je ne regarderai pas notre taux de vaccination. Je me souviendrai de tout ça. D’ici là, je me réjouis de voir qu’il y aura toujours des médecins et des commerçants moins cons que la loi.







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