Les opposant·es au projet de route départementale dite LIEN ont depuis désormais plusieurs mois marqué une résolution radicale contre la bétonisation du nord de Montpellier, en déclarant Zone À Défendre le tracé de la route et en organisant occupations, événements et mobilisations. Mais ils et elles ne sont pas non plus avares en termes de propositions. Pour poursuivre leurs efforts de sensibilisation et pressuriser les candidat·es aux élections départementales à venir, le collectif SOS Oulala aux côtés d’Extinction Rebellion, Greenpeace, ANV-Cop21 et l’Union Communiste Libertaire, organisait ce samedi 15 mai une contre-assemblée des alternatives face au Conseil Départemental de l’Hérault.
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Le Département, visiblement embarrassé par l’initiative, n’avait pas manqué de clôturer “pour raison exceptionnelle” le parc dans lequel le rendez-vous était donné. Qu’à cela ne tienne, celui-ci s’est tenu à proximité, et a donné lieu à des prises de paroles des organisateur·rices, avant que les participant·es à l’événement ne se réunissent en petits groupes pour réfléchir aux diverses alternatives à mettre en place pour éviter un tel projet, qui viendra entériner le modèle expansif de la métropole et participer à la bétonisation des rares terres agricoles ou naturelles encore préservées du pourtour montpelliérain.
Les propositions ont été nombreuses à émerger, de la densification et du réaménagement des transports en commun à la mutualisation des véhicules, elles ont rappelé qu’en matière de transports les infrastructures actuelles seraient suffisantes au déploiement d’un nouveau modèle, plus en phase avec la réalité de l’urgence climatique. Mais aussi que le modèle métropolitain pose le grave problème de la désertification des villages alentours : “en revitalisant ces derniers pour subvenir localement aux besoins fondamentaux des habitants (commerces, services publics, agriculture et lieux de sociabilité)“, c’est autant de trajets polluants qui peuvent être évités. On ne voit en effet que trop pousser les lotissements dortoirs dénués de vie dans les communes composant la métropole.
Le développement de l’agriculture périurbaine prôné par les participant·es vient aussi rappeler que la problématique de l’autonomie alimentaire est aujourd’hui centrale, comme est venu le rappeler un certain désordre logistique engendré au début de la crise sanitaire. La bétonisation de terres fertiles (historiquement lieux d’implantation logique des villes) va ainsi dans un sens contraire aux nécessités les plus élémentaires. Et vient frapper un patrimoine naturel qu’il faudrait en tout point mettre en valeur : “créer des parcours d’observation écologique et philosophique sur le tracé défriché par les travaux du LIEN, créer une zone de randonnées en toute sécurité accessible toute l’année et libre de chasse“, ou la réappropriation nécessaire de ces espaces naturels par la population, à l’heure où l’on se connecte au numérique à mesure qu’on se déconnecte de la nature.
L’ensemble des propositions émises sera donc, en vue de peser dans les programmes de politicien·nes qui ne peuvent aujourd’hui plus éluder la question écologique, transmise à l’ensemble de celles et ceux qui se présentent aux élections départementales à venir. Et les participant·es à la contre-assemblée se sont donné·es rendez-vous prochainement pour poursuivre leur réflexion.
Nous habitons un territoire qualifié d’attractif. Un territoire où l’on manque d’eau dès le début du printemps. Où l’été menace à tout moment de s’embraser. Où l’on s’angoisse, l’automne, de savoir sur quelle portion les crues vont cette année se déchaîner. Un territoire hérissé de grues, découpé en zones à lotir, dont on ne reconnaît pas le lendemain le paysage qu’on connaissait la veille. Dont le béton semble faire office de circulation sanguine.
Cette attractivité a un autre nom, la métropolisation. Un modèle, le modèle, à l’œuvre ici comme ailleurs. Celui d’une ville dévorante qui n’a de cesse de s’étendre, de concentrer toutes les activités, tous les services, toutes les richesses, d’assécher tout ce qui vit autour. Pour rester dans la course, la métropole doit toujours grandir, s’accaparer des parts de marché. Elle est une métaphore concrète de notre système économique.
Cette métaphore nous broie. Elle détruit notre cadre de vie, jusqu’au jour où nous ne pourrons plus y vivre. Elle détruit nos liens sociaux, nous cloisonne par fonctions, par quartiers, par villages, par marges. Celles et ceux qui n’ont pas de place dans son cœur s’entassent sur les routes pour le rejoindre chaque matin, et en être rejeté chaque soir. Trop grande, toujours plus grande, elle nous empêche de décider, d’inventer nos autonomies, locales, solidaires, originales. Elle ne se pense que
comme connectée aux flux qui vont d’un bout à l’autre de la région, du pays, de l’Europe, du monde peut-être. Et nous, là-dedans, on fourmille vers le désastre.La métropole, celle-là comme les autres, c’est ce à quoi il nous faut mettre fin pour nous réinventer un possible, soutenable pour nous comme pour la nature. Retrouver des échelles à taille de gens, dans lesquelles on puisse décider de qu’est-ce que l’on veut vivre et comment, de ce que l’on consomme, de ce que l’on produit, de le produire à côté.
C’est un combat énorme, c’est un combat global, mais il faut bien l’attraper par un bout. Ce bout, c’est le LIEN. Une route de plus, un périphérique, couloir à camions, cheval de Troie d’hectares de ZAC, d’une carrière Lafarge, de nouvelles zones à lotir, de collines qu’on éventre et de terres agricoles qu’on bétonne pour aller encore plus vite dans le mur. Le LIEN, c’est la route juste à côté, celle à laquelle on peut dire non, stop, on arrête là. Et on commence à bâtir autre chose.
Aujourd’hui, nous tenons cette contre-assemblée là où le conseil départemental, le promoteur du LIEN, tient la sienne. Nous sommes venus y dire que c’est à nous de décider de nos avenirs, pas à ces élus qui ne nous représentent pas. On passera sur le niveau de l’abstention (près de 50% en 2015), sur le flou pour les gens de ce qui relève ou pas de la compétence du département, sur l’absence d’une promesse de campagne – on en n’a pas trouvé trace -, de faire, au nord de Montpellier, un périphérique. On passera aussi sur les manœuvres d’appareils, à l’œuvre cette année comme toutes les années précédentes, entre des partis dont l’ambition n’est pas de faire mais de compter des élus, ces élus locaux qui font bouffer les partis, dont le nombre fait plonger ou grimper leur budget.
Mais au-delà de l’arrière-cuisine, les élus du département, quelle que soit la sincérité de certains, sont d’abord les relais institutionnels d’un système qui les dépasse. Le maillon qui fait appliquer à son échelle le grand schéma de la croissance du PIB par le BTP, qui met en musique un projet de société qui ne mesure gens et territoires qu’en termes de concurrence, d’attractivité à booster pour être plus fort que le voisin. L’argent n’a pas de couleur : ici, Kléber Mesquida et son LIEN. En Haute-Loire, la route qui veut avaler les campagnes est celle de Laurent Wauquiez. Le département est un maillon dans une chaîne qui joue le rôle qui lui est prescrit.
Dans ce cadre contraint, le conseil départemental peut tout de même faire quelques choix : celui de verser 100 millions d’euros d’argent public dans la construction d’une route de plus, une route de trop, pour le bénéfice des promoteurs, des grands groupes du BTP et de Lafarge. Ou celui, par exemple, de densifier son réseau de transport en commun, de pistes cyclables (de l’aveu même du département, en construire coûte 10 fois moins cher qu’une route) ou de renforcer l’accompagnement social des habitantes et habitants dans une période de crise qui s’annonce dévastatrice. L’argent du lien, c’est aussi celui qui ne va pas au RSA, celui qui ne va pas à l’aide sociale à l’enfance.
Ce cadre contraint n’est pas le nôtre. Nous ne sommes pas la masse, mais nous sommes de celles et ceux qui vivent ici, et nous sommes légitimes à décider de comment nous voulons vivre, sans que l’on nous impose un modèle venu d’en haut, au prétexte qu’il serait issu d’une pseudo représentativité à laquelle on nous demande de souscrire pour la forme mais jamais sur le fond. Nous ne demandons pas au conseil départemental actuel ou futur de nous inventer un nouveau projet de vie, désirable et durable. Nous l’inventerons nous-mêmes, et cette assemblée est un premier pas. Tout ce que nous exigeons, c’est que l’on ne bétonne pas notre avenir.
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