Environ deux cent personnes se sont réunies sous un soleil de plomb ce samedi 6 novembre sous les fenêtres de la préfecture à Montpellier, pour manifester bruyamment leur rejet du LIEN, ce projet décrié de rocade porté par le département de l’Hérault. L’occasion de dénoncer vertement les méthodes brutales du préfet bulldozer quelques jours après l’expulsion de la ZAD du Lien, alors que quatorze personnes ont été placées en garde à vue lors de l’opération. Trois d’entre elles sont poursuivies devant la justice.
Le milieu militant unanimement révolté
Le rassemblement a démarré sur plusieurs chants de chorale évoquant la lutte contre le LIEN, avant qu’une batucada ne prenne le relai dans une ambiance festive, sous le regard de quelques gendarmes en armures postés aux angles de la place des Martyrs de la Résistance. De nombreux autres étaient tenus en réserve sur celle du Marché aux fleurs. Smells like ultra gauche… Le collectif SOS Oulala, qui mène et documente cette lutte depuis deux ans sur le plan militant, a inauguré une série de prises de paroles où l’on a unanimement ressenti colère et indignation face au passage en force des autorités publiques sur le dossier du LIEN. Alors que le Conseil d’État a récemment ébranlé l’édifice patiemment bâti par le département, ce dernier démarre les travaux en force et à toute trombe, en dépit du respect des principes démocratiques les plus élémentaires.
De nombreuses organisations ont répondu à l’appel du SOS Oulala. Les groupes locaux d’ANV-Cop21, Extinction Rebellion ou Greenpeace, ont prononcé des discours dénonçant le massacre écologique que représente le projet. On a aussi valorisé la résistance au LIEN, et notamment rendu hommage à celles et ceux qui ont lutté sur la ZAD et se retrouvent du jour au lendemain à la rue.
Ces groupes militants avaient participé à la réquisition de la Maison de l’Écologie et des Résistances sur le tracé du LIEN il y a tout juste un an, laquelle avait été presque immédiatement expulsée et rasée lors d’une opération conjointe du PSIG et du département. Les méthodes employées par le nouveau préfet sont au coeur des prises de paroles, y compris lorsqu’on évoque d’autres terrains de lutte : les bidonvilles rasés sans ménagement et l’action sociale anéantie, arrestation de militant·es sans papiers, les expulsions de squats à l’orée de l’hiver, le verbe cru et méprisant… Un représentant de la fédération d’associations France Nature Environnement a clos les discours sur le front écologiste, en rappelant les termes de la lettre publique qu’il a hier adressé au préfet. FNE estime que le préfet méprise l’État de droit en ne faisant pas procéder à la régularisation du dossier de déclaration d’utilité publique du LIEN.
Front uni contre l’hypocrisie politique des gouvernants
Sur le plan politique, présence plutôt importante des orgas de gauche, avec les mouvements Nous Sommes ou Ensemble 34, l’Union Communiste Libertaire, mais aussi celle, remarquée, de René Revol, maire LFI de Grabels, qui lutte politiquement contre le LIEN depuis plus de dix ans. Celui-ci a prononcé un discours très applaudi pour rappeler que la population de Grabels est dans son immense majorité opposée à la route, non sans envoyer au passage, un petit tacle bien placé au Midi Libre. Le quotidien avait en effet clamé le contraire, en se basant sur un sondage réalisé auprès de… quinze personnes. Le maire a exprimé sa sympathie et son soutien pour les militant·es luttant contre le projet, et rappelé que le développement des services publics de la mobilité concourait à la résolution des problèmes écologiques.
La représentante de Nous Sommes, fidèle à la communication caustique du mouvement, a dessiné le portrait de décideurs politiques semblables à des enfants qui jouent au bac à sable avec la nature et la vie des gens. Ensemble 34 a livré un discours musclé dénonçant l’antagonisme hypocrite entre les grands discours tenus à la COP26 et la réalité, entre saccage de la nature, répression, et dévoiement des principes démocratiques. Sa porte-parole a exigé l’arrêt immédiat des poursuites contre les militant·es de la ZAD. L’UCL, de son côté, a enrichi le propos général de la dimension sociale profondément inégalitaire traversée par les enjeux du LIEN, rappelant qu’en matière de transports ce sont toujours les précaires qui casquent. De manière globale, toutes et tous ont exprimé leur soutien et leur solidarité aux occupant·es expulsé·es, placé·es en garde à vue ou poursuivi·es. Le groupe local d’EELV a par ailleurs émis son soutien à la lutte contre le LIEN.
Un important bloc politique et militant opposé au LIEN est en train de se consolider à travers les multiples rebondissements de la lutte depuis plus d’un an. Les efforts de sensibilisation et d’information du public, la mobilisation régulière de la presse, les différentes phases d’occupation du tracé, ont fini par représenter une véritable menace pour le département. On peut sans doute voir dans la précipitation qu’a ce dernier à se lancer à tout rompre dans les travaux, alors que la déclaration d’utilité publique du projet est chancelante, le choix d’une stratégie obtue et sans garantie de résultat visant à mettre les instances et la population face au fait accompli. Ce choix répond vraisemblablement d’une fébrilité froide et cynique, et démontre une radicalité toujours croissante dans la gestion du dossier du LIEN.
En face, si l’opposition au LIEN a réussi à faire du projet un sujet récurrent dans l’espace public à Montpellier et dans sa périphérie, ses arguments peinent encore parfois à se faire entendre face à la puissance de frappe du département, et parfois encore à faire mouche dans l’opinion, tant une partie de la population demeure attachée au tout-voiture. La promotion des alternatives possibles à l’heure de l’urgence climatique peut aussi contribuer au renversement des tendances et à l’évolution du débat. L’existence de la ZAD a certes beaucoup contribué à visibiliser le projet dans l’espace public, mais face à la rapidité avec laquelle oeuvrent les autorités, il va falloir encore massifier la lutte et percer son plafond de verre médiatique.
Images : J.M., Ricardo Parreira
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